Les élections présidentielles en Russie depuis 1991
Depuis 1991, la Russie a connu six élections présidentielles. Alors que la première était hautement symbolique, la seconde (1996) se caractérise par l’ouverture au pluralisme politique. Depuis cette période, chaque scrutin est marqué par une corruption importante, qui bien que fortement contestée, ne semble pas ébranler la sphère dirigeante outre mesure.
Le 17 mars 1991, parallèlement au référendum sur la préservation de l’Union Soviétique, les citoyens sont consultés sur la création du poste de Président pour la Russie. La proposition, approuvée à 71,4%, permet deux mois plus tard à Boris Eltsine d’être élu premier Président de l’entité, avec 57,3% des voix.
Eltsine, président de la transition
Lors des élections de 1991, le régime soviétique est toujours en place. Le vote a donc surtout un caractère symbolique fort : il s’agit de choisir entre les traditions soviétiques portées par le communiste Ryjkov, et l’image d’un avenir démocratique, qui bien que floue, a l’appui de la nomenklatura libérale – favorable à la perestroïka – et des démocrates. C’est en ce sens que ces élections sont importantes : elles marquent l’effondrement d’un régime à parti unique.
Pour autant, le nouveau Président ne fait pas de la Russie un véritable État de droit. Couplées à la corruption omniprésente, les réformes économiques libérales ont des conséquences désastreuses sur le pays et la population. Ainsi, bien qu’Eltsine incarne la transition politique et économique, le bilan se révèle catastrophique et la Russie est transformée en royaume des oligarques.
Quatre ans plus tard, en 1996, les citoyens ont le choix entre réélire le président sortant, ou opter pour l’un des dix autres candidats, dont le communiste Ziouganov. Au premier tour, Eltsine possède une avance d’un peu plus de trois points sur ce dernier, mais rien ne l’assure de remporter le second tour. Il est finalement réinvesti grâce aux fortes pressions sur les administrations régionales et locales, et à la corruption du troisième candidat qui pousse son électorat à reporter ses votes sur lui. Les premières élections démocratiques de la Russie post-soviétique sont donc caractérisées par une fraude massive, et Ziouganov aurait dû sortir victorieux.
Poutine, marionnette d’Eltsine
A l’issue de son deuxième mandat, Eltsine recherche un successeur. C’est ainsi qu’il limoge son premier ministre Stepachine et le remplace, le 9 août 1999, par Vladimir Poutine, encore peu connu du grand public. Il ambitionne de présenter l’ex-agent du KGB comme candidat aux élections de mars 2000, et initie un intense programme de propagande pour lui assurer la victoire. S’ajoutant à une campagne totalement inéquitable, le futur vainqueur bénéficie d’un bourrage d’urnes de grande ampleur. Alors marionnette d’un système oligarchique corrompu, Vladimir Poutine remporte l’élection présidentielle dès le premier tour, avec 52,9% des voix.
Dans l’ambiance chaotique de la fin de l’ère Eltsine, Poutine incarne la stabilité et le retour de l’ordre. Ce premier mandat, marqué par une certaine prospérité, lui permet d’être réélu en 2004, où il remporte 71,3% des suffrages, une nouvelle fois dès le premier tour. Candidat pour le mouvement de centre-droit Russie Unie, c’est la première fois qu’un président Russe possède une étiquette clairement définie. Pour autant, la corruption et le népotisme sont loin d’avoir disparus. Bien qu’annoncé favori, Poutine contrôle les médias en sa faveur, et une fois encore des fraudes massives sont constatées (bourrages d’urnes, falsification des bordereaux de votes). La marionnette est devenue marionnettiste.
Le Grand Roque
La constitution russe, qui limite à deux le nombre de mandats consécutifs autorisés, empêche Poutine d’être réélu une troisième fois. Le président sortant effectue alors une manœuvre stratégique. Il remplace Dmitri Medvedev à son poste de premier ministre, pour que ce dernier concourt à sa place aux élections, sous la bannière de Russie Unie. C’est sans grande surprise que Medvedev sort vainqueur avec 70,2% des voix. Bien qu’à l’écart de la présidence, Poutine, resté aux manettes du pouvoir, fait modifier la constitution en 2012 afin d’augmenter la durée du mandat présidentiel, qui passe alors de 4 à 6 ans. La même année, l’homme fort de la Russie se fait réélire pour un troisième mandat, obtenant 63,6% des voix. L’interlude Medvedev aura, ni plus ni moins, été une variante du règne poutinien.
Sur le point d’être réélu dimanche 18 mars dans un contexte tout aussi contrôlé que les fois précédentes, Poutine entame peut-être ses dernières années à la tête de la Russie.
Depuis la chute de l’URSS, les campagnes présidentielles russes sont marquées par un fort contrôle de l’Etat sur les médias et une corruption galopante. Bien qu’éloigné de la démocratie libérale et de plus en plus contesté par l’électorat russe, le système politique de l’ex-république soviétique semble, dans une certaine mesure, un moindre mal. Sur le plan interne, la Russie est sortie de la misère des années 1990. Durant ses dix-huit années au pouvoir, Poutine a également réussi à remettre son pays au centre du jeu et à restaurer son influence sur la scène internationale. Cela aurait-il été possible pour l’État le plus vaste de la planète dans un contexte d’alternance politique ?